RAID DES FTP DE LANNION
LE 11 JUIN 1944
SUR DUAULT
Pour faciliter le débarquement. Les Résistants Bretons "fixent" les forces allemandes. L'Etat-Major FFI intervient.
La mise au point du raid Lannion-Duault
L'Etat-Major départemental de la Résistance est informé dans la journée du 6 Juin 1944, de l'arrivée des premiers paras et prend aussitôt les dispositions pour envoyer sur Duault des équipes des maquis les plus éloignés de la base pour en ramener de l'armement.
Dans un compte rendu écrit quelques temps avant sa mort, par Louis Le Querrec, de Ploubezre, il sera homologué au grade de capitaine FFI et commandera une compagnie du 5ème bataillon ; celui-ci rapporte (nous le citons).
"Je suis convoqué à une réunion, à Tonquédec (le 7 Juin 1944... ?) ; y participent : Marceau, Andrieux, Gilbert, Maurice, Fritz et moi-même ..."
Marceau, est le chef départemental des FFI.
Andrieux, est le responsable action des secteurs Nord.
Gilbert, pseudonyme de François Tassel, chef Nord I, arrondissement de Lannion.
Maurice, pseudonyme de Corentin André, commandant la compagnie Roger Barbé, et son adjoint Fritz, pseudonyme de Frédéric Dreyer, qui couvre le secteur de Lannion.
Louis Le Querec, raconte :
Nous sommes mis au courant de la formation de la base de Duault, je suis désigné pour m'y rendre avec un camion et ramener de l'armement. J'ai la liberté de choix pour désigner les sept hommes qui m'accompagneront (célibataires et volontaires du fait des risques à courir ...). Je prévois trois chauffeurs, un titulaire Yves Nédélec (Yfiig), et deux suppléants éventuels. Viennent compléter le groupe : Jean Le Page (petit Page ou petit suisse), Henri Le Louet (traction), Jean Bernard (Gérard), Jean Le Noan (P'tit Jean) et René Toussard (le zouave)."
Il reste dans l'immédiat à trouver le véhicule, ce qui n'est pas une mince affaire : après deux essais, l'un des véhicules s'avérant trop petit et, pour l'autre, le propriétaire n'étant pas d'accord, nous décidons d'avoir recours à Charles Kerambrun, entrepreneur, dont nous connaissions les sentiments sur l'occupation allemande.
Celui-ci a déjà prouvé, quelques mois plus tôt, qu'il n'entendait pas attendre la libération les bras croisés et, prenant de grands risques, a mis son camion et le chauffeur à la disposition d'Amédée Prigent et Jean Le Page, pour une audacieuse opération montée au port de Perros-Guirec, par André Bonnot et son équipe, et consistant tout simplement de nuit, après le couvre-feu, à la barbe des sentinelles allemandes, à "déménager" la totalité du stock d'essence de la douane allemande et à le transporter au PC du maquis pour une utilisation plus convenable ... (opération réussie à 100%).
Le vendredi 9 juin 1944, en fin de soirée, accompagné de Fritz, nous nous rendons au Stanco, nous expliquons l'affaire à l'entrepeneur (Charles Kerambrun), qui nous donne son accord. Nous mettons, ensemble au point un vol simulé : le camion sera enlevé à la fin du travail le samedi matin ; ainsi, sa disparition ne sera constatée que le lundi matin. Au retour le camion sera garé près de Coatillau en Ploubezre.
Tout se passera suivant le scénario, mais quelques semaines plus tard, Charles Kerambrun sera convoqué au terrain d'aviation par le capitaine Martin, qui y commande des unités de la werhmacht. Il subira un interrogatoire serré, dans le baraquement où l'on torturait les suspects et où les fusillades sans jugement avaient lieu depuis déjà plusieurs semaines. Néanmoins, il fut relâché ... il revenait de loin .
Son camion, un Ford 2 T 5, participera à une dernière opération le 10 août 1944, elle consistera à transporter au camp de prisonniers du Cruguil la garnison allemande qui venait de capituler. Opération glorieuse et sans risques cette fois pour le camion "fantôme"."
L'exécution du raid Lannion-Duault
Le responsable désigné pour conduire l'expédition est un homme carré au physique et au moral, il a choisi sept gaillards qu'il connaît bien et sur lesquels il sait pouvoir compter en toutes circonstances. Il leur a signalé les risques énormes qu'ils vont courir ... aucun n'a hésité.
La première nuit, le camion "récupéré, on la passe à la ferme amie des Bonniec, à Roudevine en Cavan, que les allemands incendieront dix jours plus tard.
Au début de la matinée du dimanche 11 juin, on prend la route. Les dispositions sont prises : Louis (Le Querrec), dans la cabine, Yfig (Yves Nédélec), au volant, les six autres camarades ont pris place sur le plancher du camion, les armes à portée de la main, camouflées sous une bâche. Tonquédec, Pluzunet, Louargat, Gurunhuel... chaque agglomération donne lieu à une reconnaissance préalable, ainsi que les carrefours importants. En cas de rencontre inopinée, en principe, on tire les premiers, mais à l'initiative du chef de bord.
Premier incident à Maël-Pestivien où le boug recèle un important contingent allemand (les issues sont gardées), on fait demi-tour, on se met à l'abri derrière un talus boisé. Une fermière va en reconnaissance, puis retourne le lendemain matin, annonce qu'ils sont partis. Nous nous remettons en route et traversons le bourg rapidement... et apercevons un "felgrau" ahuri qui se rase près d'une maison... il demeure un instant dans nos lignes de mire ... et peut continuer à se raser.
Nous arrivons à Peumeurit-Quintin "petite France" du maquis Tito, où les trois couleurs flottent insolemment au clocher de l'église.
Mot de ralliement ... nos amis ont peine à croire à notre équipée "sans faute". Nous apprenons que la base Samset est attaquée depuis le matin et que les combats font rage sur la lisière Nord de la forêt.
Situation imprévue à laquelle Louis Le Querrec s'adapte aussitôt en se mettant à la disposition des responsables pour toute mission de circonstance.
Le sauvetage des paras blessés et du matériel de la base Samwest
Tout concorde dans les récits spontanés et sans consultations préalables des participants à l'expédition, pour situer dans la soirée du lundi 12 juin 1944, l'enlèvement des parachutistes blessés.
En effet, certainement, en fonction de leurs pertes, de la violence des contre-attaques conjuguées des hommes du maquis et des parachutistes, les assaillants renoncent à s'enfoncer dans la masse boisée et se replient vers 18 heures.
Il semble que ce soit vers cette heure, approximativement, que le capitaine Leblond, reçoit de Londres, l'ordre d'évacuer la base et de rejoindre Saint-Marcel. Cette évacuation se fait par échelons, le dernier partant assez tard.
Louis Le Querrec et son équipe, accompagnés et guidés d'hommes de la Tito, amènera son camion au plus près de la base sur le plateau Sud. Ils continuent à pied jusqu'au poste de secours, où ils trouvent trois blessés sous la tente, l'un Litzler agonise et mourra avant leur départ. Il y a là, un blessé grave, un lieutenant Lasserre ou Bothela, Charles Moreau ayant déjà été emmené, étant le plus grièvement atteint et le caporal Faucheux, moins grièvement touché.
On prépare le transport ; des paras s'affairent pour le départ, lâchent devant nous des pigeons voyageurs pour l'Angleterre. L'un des responsables du maquis nous rejoint, c'est un Lannionnais François Lagadec, qui sera tué en combat, quelques jours plus tard, il est accompagné d'un para qui se présente : "je suis Henri Stephan, de Lannion, l'un de vous peut-il remettre un mot à mes parents ? Je pars dans le Morbihan, je les contacterai." Yves Nédélec se charge de la commission, Henri Stephan, ne cachant pas comment le remercier remet à un Yfig émerveillé, un énorme colt de cowboy.
Puis l'on brancarde les deux blessés et on les conduit aux confins de Peumeurit-Quintin et Maël-Pestivien, à proximité d'une ferme abandonnée, d'accès difficile où nous les brancardons à nouveau. Ils y rejoignirent leur compagnon blessé qui nous parait mal en point.
Ils sont sauvés, car une chaîne de solidarité formidable va se créer pour les soigner, les protéger, les nourrir et les emmènera à la libération en août 1944.
Les journées des 13, 14 et 15 juin, vont être consacrées au transport du matériel parachuté. Une solidarité extraordinaire va jouer : fermiers, maquisards de toute la périphérie, conjuguent leurs efforts pour emmener le matériel à portée des camions qui font la navette.
Dans l'après-midi du 13, arrive du maquis Beiz-Mor de Plouguenast, un camion et douze hommes sous le commandement de leur chef de maquis, Eugène Le Rhun, ils se joignent à nous aussitôt. Malheureusement, au 2ème voyage, rentrant chargés de munitions et d'explosifs, ils rencontrèrent un fort détachement allemand qui les prend sous un feu nourri d'armes automatiques, le chauffeur Georges Le Jouan, criblé de balles, six blessures, dont l'une dans le pied droit, se sert du pied gauche et fonce, il réussit à dégager son camion, mais celui-ci est en feu, tous les membres de l'escorte sont morts. Il s'arrête, se laisse glisser à terre et réussit à se traîner dans un champ, avant l'explosion du chargement. Des fermiers, l'aideront. La nuit suivante Eugène Le Rhun et Yann Le Disez, de Plouguiel, le ramèneront à Trévé, puis à Loudéac. Il sera sauvé.
Louis Le Querec conclut : "Le 16 au matin, travail terminé, nous allons reprendre la route, là nous attend une cruelle déception : les responsables de la Tito ne nous laissent emporter aucune parcelle de l'armement et des munitions à la récupération desquels nous avons tant contribué. Il est vrai qu'ils eurent la délicate attention de nous dire que c'était parce que nous avions peu de chance d'arriver à destination.
Au retour, nous vîmes passer un convoi, ennemi, pas trop près. Le camion prit feu, P'tit Jean sacrifia le sac de couchage qu'un para lui avait offert.
A minuit, nous retrouvions les nôtres ; la bonne Mère Even, du Quinquis en Ploubezre, nous fit une omelette. Les copains venaient d'attaquer la feldgendarmerie de Plouaret. Nous revenions de loin, vivants !
Les alliés, consolidaient leurs positions en Normandie.
On devinait, au bout du tunnel, une lueur, la liberté.
Corentin André, capitaine Maurice
au centre béret sur la tête Yves Nédélec, originaire de Ploubezre,
l'un des participants au raid